Considérant que j’ai passé la nuit sur le plancher d’une chambre d’hôtel, je me sens en pleine forme ce matin. Il y a deux choses qui me motivent à sortir de mon sac de couchage. La première, le départ à Whitehorse de la plus importante course de chiens de traîneaux, le Yukon Quest. La seconde, je connaîs “LA” place pour le meilleur café latté en ville. J’me lêve, j’m’habille aussi vite que je peux, la tête qui tourne encore d’avoir trop bu la veille et je me dirige, les pieds traînants vers mon brevage matinal. Il est 8 h 30 un samedi matin, les rues sont vides. En me fiant aux gouttes qui coulent de mon nez et à la vitesse à laquelle mes narines se collent à chaque entrée d’air, il doit faire environ -20 degrès. Je tolère bien le froid. En fait, j’aime le froid, c’est une des raisons pour lesquelles je me trouve au Yukon cette année. Le ciel est bleu, les montagnes, généralement blanches, sont maintenant roses. Elles sont illuminées par les rayons nordiques que nous offre le soleil pendant que celui-ci se faufile timidement au-dessus des montagnes. “Un latté avec un croissant jambon fromage SVP.” Je me dirige tranquillement vers le lieu de départ de la course. En route, je croise des corbeaux qui picossent la neige espérant trouver de quoi se nourrir. Ils sont bruyants. Leurs cris echos résonnent au travers de l’air froid des environs. Pour le moment, leurs chants accompagnent le bruit habituel de mes pas dans la neige froide et dure du mois de février. Cette cacophonie retentit encore quand j’entends les premiers aboiements. Rapidement, tous les sons environnants sont remplacés par le hurlement de centaines de chiens. J’arrive finalement dans la cour des mushers. Au total, 25 compétiteurs organisent et préparent méticuleusement leur traîneau et tout leur materiel. Ils soignent attentivement les 12 à 14 athlètes canins qui composent leur équipe. Ceux-ci sont éxcités. Venant du Canada, des États-Unis et même de l’Europe, ces chiens qui ont passé les trois derniers jours dans leur cabane à bord de leur “pick-up” attendent patiemment que leur musher termine la portion relations humaines de la course; rencontres avec les medias, les officiels de la course, les vétérinaires, les autres mushers et les amis qu’ils n’ont pas vu depuis trop longtemps. Il y a de plus en plus de monde qui se précipite autour des compétiteurs, bientôt le départ sera annoncé et cette foule désorganisée devra se rendre de chaque côté du sentier de départ. On leur demendera, sans trop d’efforts, d’applaudire et d’encourager chacune des équipes. Le premier départ est prévu pour 11 h. Il y aura par la suite un départ à tous les trois minutes. Ces encouragements accompagneront les mushers et leurs chiens pour les 1 610 km qu’ils devront franchir pour se rendre à Fairbanks, en Alaska. Certains pourront réussir cette course en neuf jours et d’autres mettront plus de douze jours pour parcourir la même distance. Leurs seuls repos, les dix arrêts réglementaires que chaque équipe doit franchir. Lors de ceux-ci, une équipe de vétérinaires procédera à l’évaluation de chacun des chiens et une verification systématique de l’équipement réglementaire que chaque musher doit posséder dans son traîneaux sera effectuée. Nourriture pour chiens et musher, réchaud, chaudrons, combustible, matériel pour le soin des chiens, hache, sac de couchage, raquettes, carnets de santé des chiens, huit paires de bottillons par chien, etc. Un total d’environ 250 lbs de matériel que l’équipe devra tirer au travers des forêts et des plaines arctiques, des rivières et des lacs gelées, des cols montagneux en affrontant des températures pouvant franchir les -50 degrès! Je suis la première à me positionner près du sentier de départ. J’observe la foule grossir, devenant de plus en plus bruyante. Le soleil est maintenant au-dessus des montagnes et il rechauffe l’air foid et sec du nord. 11 h, la foule s’anime, on annonce le premier départ. On crie, on applaudit, on encourage ces hommes, ces femmes et leurs chiens qui s’engagent vers la course la plus difficile de leur vie. Plusieurs spectateurs réalisent qu’il fait un peu froid en jeans sur le bord de la clôture et troque ainsi les encouragements pour un café dans un resto du coin. Bientôt j’irai faire de même, mais je décide de rester jusqu’au dernier compétiteur, solidaire aux difficultés que ceux-ci devront affronter avant de terminer la course. Je laisse mes pensées me plonger dans une époque où les chiens, les traîneaux et les musher étaient une nécessité pour la survie dans cette région hostile. Mon téléphone cellulaire sonne, retour au 21ème siècle. “Ok, je vous rejoins sur place”. Les compétiteurs sont tous partis, la foule s’estompe, tout le monde retourne à leur train-train quotidien. Je regarde dans la direction du sentier, le maillot blanc du dernier compétiteur disparaît dans la forêt. Les aboiements qui étaient pourtant si intenses il y a peine 1 h 30 sont également disparus. Dans les prochains jours, certains seront forcés d’abandonner la course. Chiens blessés, mushers malades, équipements fautifs, fatigue, engelures, toutes des raisons valables pour ne pas terminer. Ceux qui réussiront toutes les étapes feront partie de la légende du Yukon Quest, la course de chiens de traîneaux la plus difficile du monde. Pour l’instant, je vais rejoindre mes amis pour une bonne soupe chaude et retrouver mon confort quotidien... Lien utiles : Baked Café Yukon Quest
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